Michaël Diringer, Dirigeant de WANT:HEAD

Michaël DIRINGER, Dirigeant du cabinet de recrutement et de chasse de tête WANT:HEAD, nous partage en toute transparence, sa vision du nouveau rapport au travail dans un contexte où le marché de l’emploi a basculé en faveur des employés. Il nous évoque également les principaux défis et actions à mettre en place pour les Ressources Humaines en 2023.

Quels sont pour vous les enjeux RH de 2023 ?

Bon nombre de DRH parlent d’ores et déjà des enjeux de 2023. L’année dernière, on parlait déjà de marque employeur, de digitalisation, de recrutement ou encore de fidélisation des salariés. Et la tendance se poursuit en 2023, puisque les enjeux posés avant la pandémie ont accentué les problématiques qui s’y associent. On parle alors de pénurie de recrutement, de manque d’attractivité, liés aux conditions de travail, à la reconnaissance et à la valorisation. Ce faisant, les métiers des Ressources Humaines sont en pleine mutation, puisqu’à l’heure où le contexte change, accentuant certaines problématiques liées à un manque d’attractivité et/ou de fidélisation des salariés, il semblerait que les méthodes actuelles (sourcing, onboarding, développement des compétences, management…) ne fonctionnent plus. Et l’on doit ce virage à 180° à l’arrivée des nouvelles générations sur le marché du travail. Or, c’est une question de besoins, de valeurs et d’intérêts professionnels des nouvelles générations qui diffèrent de leurs aînés, qui induit au passage un climat social plus ou moins favorable. A ce titre, c’est tout un système qu’il s’agit de faire évoluer, de la posture que l’on adopte lors du recrutement aux méthodes de management, en passant par les actions à mettre en place dans une organisation, sans oublier la corrélation avec les objectifs de performance des entreprises.

enjeux rh 2023

Mais ces préoccupations qui émergent dans la sphère des RH ne peuvent se borner qu’à cette face visible du problème. N’oublions pas qu’en parallèle, les organisations se trouvent face à des départs massifs en retraite qui se poursuivent jusqu’en 2030, ce qui non seulement induit des enjeux de recrutement plus importants mais également un dilemme de compétences. En effet, où ira le savoir-faire des experts qui constitue largement les compétences clés des entreprises ? Dans un contexte où une entreprise se différencie de ses concurrents par ses compétences stratégiques, quelle va être la durée de vie d’une organisation qui s’y retrouve quasiment du jour au lendemain démuni alors que son savoir-faire constitue son patrimoine et sa compétitivité ? Un tel constat induit nécessairement de soulever la question du développement des compétences des « nouveaux collaborateurs », d’une part face à la pérennité des entreprises mais d’autre part, face à la mutation des métiers et l’émergence de nouveaux métiers, orchestré particulièrement par les évolutions technologiques.

Il apparaît essentiel de s’interroger aujourd’hui au fond du problème, de traiter sa cause plutôt que ses symptômes. Et tels sont désormais, les enjeux RH à traiter pour évoluer en 2023. Il s’agit alors moins de tenter de contrôler les nouveaux entrants de la manière dont une organisation voudrait les façonner que de mettre des actions en place qui visent à leur donner envie d’y rester, au profit de la performance individuelle et collective. Des actions qui, encore une fois, n’émergent pas d’un comité de direction organisé un lundi matin, mais d’un réel échange avec son personnel. Quels seraient le sens et l’intérêt de poser des actions qui n’appartiennent qu’à une minorité de personne et qui ne feront, de toute évidence, pas l’unanimité ?

L’un des enjeux majeurs de demain repose alors sur la compréhension de ce que veulent les candidats et salariés. C’est évidemment eux qui inscrivent la tendance, tandis que l’enjeu de l’entreprise elle-même réside dans le consensus qu’elle trouvera entre ses objectifs et ceux de ses collaborateurs.

Finalement, quelle serait la pertinence de leviers tels que la hausse des salaires, l’augmentation du télétravail ou encore l’attribution de formations aux salariés, visant à les rendre fidèles à l’entreprise ?

Ce sont des leviers certes intéressants, mais qui doivent faire l’objet d’échanges individuels et collectifs au préalable, qui tendent à cadrer ce type de leviers au profit des salariés et non de la direction. Une telle approche favorise la reconnaissance et la valorisation qui induisent par la force des choses le bien-être. Qui souhaite quitter un environnement où l’on se sent bien ?

« Il y a deux choses importantes pour une entreprise : sa réputation et ses hommes »

Henri Ford

Selon vous, quelles sont les actions sur lesquelles les RH ont un rôle à jouer pour favoriser l’engagement des collaborateurs ?

De nombreuses entreprises ont encore des processus très archaïques et procéduriers mais aussi très verticaux (Direction/RH/Managers/etc…). En pratique aujourd’hui, l’entretien professionnel s’effectue avec le N+1 ce qui est une erreur puisqu’il devrait plutôt s’effectuer avec les RH, à moins d’être correctement formé à cette démarche. Rappelons que c’est un temps d’échange qui devrait prendre, idéalement, entre 1h et 1h30 si l’on veut qu’il soit pertinent. En effet, l’entretien professionnel est un moment privilégié avec le salarié qui vise à répondre aux aspirations professionnelles et à recenser les besoins en formation et en développement de compétences.

Ce système vertical, issu du taylorisme, est encore trop souvent prédominant au sein des organisations. Il inclut des règles ne correspondant plus aux salariés. Avec ce système, les entreprises se retrouvent finalement avec des équipes qui ne communiquent pas et qui ne s’écoutent pas. Ce système, trop procédurier, ne correspond pas aux attentes des nouvelles générations qui disposent de codes sociaux différents. Il faut donc s’adapter au contexte et à ce public. Mais comment ?

Tout simplement en les écoutant ! En revoyant tout d’abord l’organisation du travail en s’orientant vers un système plus horizontal. Cela ne veut pas dire pour autant que l’on va bouleverser complètement l’organisation des entreprises, mais qu’il va falloir commencer à tendre vers ce système plus « horizontal » en développant dans un premier temps la communication, en mettant en place des feedbacks réguliers avec les managers, ainsi que des entretiens professionnels avec des personnes compétentes pour suivre ces entretiens comme les Ressources Humaines.

Il s’agit également d’améliorer les processus liés au recensement de ces informations, mais aussi de créer un lien privilégié avec chaque salarié, ce qui va générer une communication plus fluide et sans intermédiaire. Une telle démarche tend à améliorer l’expérience collaborateur et donc, par conséquent, la marque employeur. En parallèle, il s’agit pour les RH de communiquer avec la Direction dans le but de déployer la stratégie interne de l’entreprise, vis-à-vis de ses objectifs externes, sans oublier de la communiquer aux salariés.

Une telle réorganisation favorise le climat social, tandis qu’une telle démarche induit de développer les compétences à la fois des managers et de leurs collaborateurs, au profit de la performance collective. Il apparaît donc deux grands axes à mettre en œuvre :

Mettre en œuvre des actions qui visent à améliorer l’expérience collaborateur et la marque employeur, ce qui constitue un réel levier d’attractivité pour l’entreprise.

Définir les objectifs de l’entreprise en lien direct entre les RH et la Direction, de manière à les déployer en interne, ce qui induit d’identifier quelles sont les compétences nécessaires pour les atteindre, qui a les compétences et qui ne les a pas. De telles actions, au travers d’une GPEC, permettent de définir quel profil recruter, qui former et pour quels résultats concrets, sans oublier le sens de toute cette mise en place, en constituant de véritables échanges entre tous les salariés de l’organisation et la Direction.

L’ensemble de ces actions contribuent largement à faire en sorte que les salariés se sentent davantage valorisés et reconnus dans leur travail au quotidien.

Vous évoquez un système hiérarchique vertical relativement prédominant dans les organisations actuelles. Pour vous, toutes les entreprises sont-elles conscientes de cette situation ?

Beaucoup d’entreprises n’en ont pas conscience et certaines sont même encore dans le déni sous prétexte que « ça fonctionne très bien comme ça depuis longtemps ». Pour autant, c’est un sujet qui doit être prédominant dans la sphère managériale puisque si ce problème n’est pas traité maintenant, il y aura de lourdes conséquences pour ces entreprises dans les 5 à 10 prochaines années. Les plus petites organisations seront les premières impactées par ce phénomène de pertes de compétences, tandis que les entreprises les plus ancrées, ont très peu de chances d’échapper à une perte de productivité et donc de marché. Les entreprises qui auront saisi ces enjeux et qui sauront le mieux s’adapter à ce nouveau contexte seront celles qui sortiront grands vainqueurs.

Nous ne sommes plus dans un contexte ou le capital et le produit constituent la valeur ajoutée d’une entreprise, nous sommes dans l’ère du savoir, où c’est la compétence qui lui permet de se distinguer de la concurrence. En d’autres termes, les objectifs de performance sont remplis par la productivité d’une entreprise qui, quant à elle, est effective grâce à ses salariés. Si le dirigeant représente l’entreprise et orchestre le management, ce sont les Ressources Humaines qui sont garants de l’organisation en termes de production. Comme son nom l’indique, l’humain est une ressource importante et essentielle pour une entreprise, ce qui implique une réelle avancée à ce jour, à l’heure où les nouvelles générations veulent du sens dans ce qu’ils font et être reconnu pour ce qu’ils font. Nous sommes désormais loin des clichés qui laissent entendre que la Direction donne les ordres pour que le personnel exécute. Certaines entreprises l’ont démontré, si le capitaine quitte le bateau, son équipage tend à équilibrer les compétences pour continuer de naviguer. Que deviendrait ce bateau sans équipage ?

L’avantage des grands groupes, c’est qu’ils ont une marge de manœuvre car ils disposent encore des « anciens », les experts qui font tourner leurs entreprises. Ce phénomène de perte de compétences se ressent alors largement moins pour le moment.

Les PME en ont de plus en plus conscience puisqu’elles en sont les plus impactées. Pour elles, s’ils leur manquent une personne au sein de l’entreprise, elles en subiront les conséquences directement malheureusement. Mais pour autant, ces PME ne savent pas comment faire car elles sont mal accompagnées et ne savent pas vers qui se tourner. A savoir que la plupart des Bac+5 en Management à ce jour apprennent moins à manager qu’à contrôler.

Les TPE sont moins touchées et s’en sortent mieux car elles disposent pour la plupart d’un schéma familial et donc d’une équipe plus soudée. Elles ont pour la plupart du temps des personnes relativement expérimentées ou bien c’est le dirigeant qui dispose de nombreuses compétences qui finalement le sauvera, même au détriment de sa santé. Cependant lorsqu’un salarié quitte l’entreprise, elles seront directement impactées également puisqu’un seul salarié peut avoir une compétence stratégique.

A votre avis, quelles sont les fonctions et compétences clés qu’un service RH doit avoir pour exercer ses fonctions ?

Si on omet les compétences métiers techniques habituelles (rémunération, responsabilité sociale etc.), le service RH doit avoir une capacité à s’adapter au contexte constamment changeant et surtout à anticiper ce qui va arriver.

Les compétences à avoir sont la réactivité, l’adaptabilité, la proactivité et le leadership. Mais les RH doivent également œuvrer vers une écoute plus active envers les salariés, de manière à recenser tout ce qui peut advenir et anticiper au mieux les changements. Il est alors nécessaire que les Ressources Humaines aillent à la rencontre des salariés de leur entreprise pour mieux les comprendre. Si des outils existent pour ce faire, il s’agit néanmoins de se les approprier, voire d’en créer de nouveaux en fonction du contexte de l’organisation et des salariés.

Enfin, il est essentiel pour un service Ressources Humaines d’être en veille sur son environnement socio-économique. C’est le meilleur moyen de nourrir sa réflexion et d’avoir un regard objectif sur les enjeux qui se présentent ou qui tendent à se présenter. Une manière de faire ou une méthode est vouée à évoluer, voire à être parfois supprimée, au profit de pratiques plus pertinentes. Il s’agit alors de rester ouvert à ce qui se fait, ce qui ne se fait plus et surtout, à ce qui ne se fait pas encore. Là aussi, les entreprises qui sauront s’adapter à un environnement toujours plus changeant, seront celles qui innoveront, tant du point de vue de la technologie que de celui des « manières de faire ». On parle alors, d’une façon ou d’une autre, de compétences !

Selon vous, sur quoi faudrait-il être vigilant aujourd’hui ?

Nous avons évoqué toute l’importance, pour une entreprise qui souhaite rester pérenne, d’écouter les besoins de ses salariés pour favoriser leur fidélisation et augmenter l’attractivité de l’entreprise. Mais cette démarche ne va pas de soi et il s’agit d’être très vigilant sur les méthodes et les objectifs qui s’y rattachent. En premier lieu, si le management directif est à bannir, le management bienveillant aussi ! Faire évoluer le management n’exclut pas un degré de fermeté, ni de contrôle. L’idée ici est de trouver non seulement ce juste milieu qui induit une stratégie gagnant / gagnant, mais surtout sans oublier les objectifs de performance à atteindre. Il s’agit de trouver ce consensus qui satisferait donc à la fois la cause de l’entreprise et celle du salarié. La clé est donc là, à partir d’une vision commune et d’objectifs communs, de trouver le moyen d’y aller ensemble. Et contrairement à un management relativement paternaliste, ça ne va pas de soi.

Le plus grand point de vigilance demeure alors dans l’obtention, voire l’adhésion de ce consensus commun à trouver entre la direction, ses enjeux de performance et les besoins des salariés. Il existe différentes manières de procéder, en fonction de la taille de l’entreprise. Cela induit donc de nouvelles pratiques, de nouvelles manières de faire, ce qui nécessite pour une organisation de se remettre en question, de prendre de la hauteur sur ses pratiques, constructives ou non, de manière à les améliorer en ce sens. Un regard externe est alors intéressant, voire nécessaire pour identifier des axes de progrès. C’est là aussi un point de vigilance à ne pas négliger : les services RH sont relativement tiraillés par les tâches administratives et juridiques, au détriment des tâches plus « humaines ». De fait, un service RH ne pourra pas tout faire, d’autant plus sur de tels chantiers. Il n’est pas négligeable d’externaliser certaines tâches comme le recrutement, le développement des compétences ou le coaching. Ce type de services permet clairement d’obtenir des résultats pertinents en termes de performance.

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